Le Mythe de la Tisseuse de liens invisibles

Il était une fois une enfant silencieuse que l’on croyait distraite.
On disait d’elle qu’elle “était dans la Lune” et c’était vrai.
Mais on ne savait pas que, là-bas, elle conversait avec les fils du monde.

On la trouvait souvent seule, à observer les ombres bouger entre les gens.
Elle percevait les silences comme des langages.
Les absences comme des présences.
Elle sentait dans l’air les liens effilochés entre les cœurs, les souvenirs cousus à demi, les blessures suspendues.

Un jour, alors que le village était en proie à des tensions invisibles, celles qui ne hurlent pas mais rongent, elle prit une aiguille faite de lumière et de patience,
et se mit à coudre l’espace.

Elle ne parla pas. Elle écouta.

Elle relia une larme à une écorce. Un soupir à un chant.
Elle dénoua des nœuds dans les cœurs qu’elle n’avait jamais touchés.

Les gens ne comprenaient pas.
Mais leurs douleurs s’adoucissaient.
Leurs relations devenaient plus douces.
Leur solitude se desserrait sans bruit.

Elle ne s’imposa jamais.
Elle tissait. Doucement.
De l’amour dans l’invisible. Des passerelles entre les âmes. Des ponts entre les mondes.

On l’appelait "la sorcière des émotions", "la voyante des liens", "celle qui voit entre".

Mais elle n’était ni sorcière, ni prophétesse.

Elle était Tisseuse.

Et quand elle eut tissé tout ce qui pouvait l’être dans ce lieu, elle reprit sa route, les mains pleines de fils invisibles.

On dit qu’elle revient toujours là où l’amour a été déchiré,
là où les âmes ont oublié qu’elles sont cousues les unes aux autres.

Elle n’a pas besoin d’être vue.
Elle a juste besoin que quelqu’un, quelque part,
se rappelle que le fil existe.